mardi, mars 06, 2007

070307 RÉFORME DES APPRENTISSAGES FONDAMENTAUX

Gilles de Robien dit vouloir achever la réforme des "apprentissages fondamentaux" Un article de Luc CÉDELLE (LE MONDE | 06.03.07 | )

"Chantier" en phase d'achèvement : le ministre de l'éducation nationale, Gilles de Robien, doit présenter, mercredi 7 mars, une circulaire réformant l'apprentissage du calcul à l'école primaire. Ce texte devrait tirer les conséquences du rapport rendu en janvier au ministre par l'Académie des sciences (Le Monde du 18 janvier). Les académiciens y préconisaient l'apprentissage précoce des quatre opérations du calcul. Ils suggéraient notamment - mais en se gardant de trancher - que la "division posée" (écrite), qui n'est actuellement abordée qu'à partir du CE2, puisse être réintroduite dès le cours préparatoire (CP).



Quel que soit son choix final en ce domaine précis, il restera au ministre à finaliser, début avril, l'ensemble des modifications qu'il apporte aux programmes du primaire au regard des exigences du "socle commun des connaissances" prévu par la loi d'orientation (loi Fillon) pour l'avenir de l'école d'avril 2005.
Des contretemps sont toujours possibles dans un calendrier qui, pour le gouvernement, devient serré. Mais Gilles de Robien entend aller au bout de ce qu'il présente comme une "remise en ordre" des "apprentissages fondamentaux", à laquelle il a imprimé sa marque.
C'est le 23 novembre 2005, en réponse à une question à l'Assemblée nationale, que ce basculement s'est produit, lorsqu'il a défendu la méthode syllabique d'apprentissage de la lecture. Quelques jours plus tard, il invoquait à l'appui de ce choix "les spécialistes des neurosciences". Une année de polémiques devait suivre avec les partisans des méthodes "mixtes", majoritairement pratiquées, avant que le ministre, en novembre 2006, ne décide de calmer le jeu.
Auparavant, il avait publié, en mars 2006, un arrêté modifiant les programmes. En insistant sur l'apprentissage du code "dès le début" du CP, mais en complémentarité avec d'autres approches, ce texte décevait les partisans exclusifs du b.a.-ba. Convaincu d'avoir rétabli "le bon sens", M. de Robien a été approuvé par l'opinion publique, persuadée qu'il venait de terrasser la "méthode globale".
En extinction depuis le début des années 1990, celle-ci existait-elle encore autrement que de manière résiduelle ? Il n'en restait qu'"une tête d'épingle", assure Roland Goigoux, professeur à l'IUFM d'Auvergne et adversaire du ministre dans ce dossier ; c'était "l'idéologie imposée par la hiérarchie", jure à l'inverse l'instituteur Marc Le Bris, militant de la méthode syllabique...
Le ministre a rapidement étendu sa démarche aux autres composantes des savoirs fondamentaux : la grammaire, avec la circulaire du 11 janvier rétablissant un horaire spécifique pour cet apprentissage, et à présent le calcul.
Exaspérés par des mesures jetant "la suspicion" sur les professeurs des écoles, leurs syndicats jugent qu'il ne fallait pas toucher aux programmes du primaire de 2002, validés après "large consultation".
Un rapport de l'Observatoire national de la lecture et de l'inspection générale de l'éducation nationale, publié en novembre 2005, estime à "20 % à 25 %" des entrants en sixième ceux qui "ne sont pas encore assez entraînés pour lire seuls des textes comme ceux de leurs manuels scolaires".
A partir de ce type de constat, les avis divergent. Auteur de Que vaut l'enseignement en France ? (Stock), Christian Forestier, inspecteur général, ex-directeur de cabinet de Jack Lang, se dit préoccupé par l'échec scolaire lourd qui, dit-il, "se construit entre la grande section de maternelle et les premières années d'école", mais il ne croit pas aux "méthodes miracles". Pour lui, la priorité est "le statut que l'on accorde à l'élève" déclaré en France "en échec", mais qu'on appelle ailleurs "à besoins particuliers". Autrement dit, il faudrait plus de pédagogie et de sur-mesure.
Représentant d'un courant qui attribue aux réformes menées depuis trente ans un "effondrement" des savoirs, le mathématicien Laurent Lafforgue, médaille Fields 2002, ne partage pas cette analyse. Selon lui, "les savoirs fondamentaux que l'école primaire doit donner à tous sont, par ordre de priorité : la pratique exacte et sûre de la langue écrite et orale (grammaire, conjugaison, orthographe, vocabulaire), la maîtrise du calcul des nombres et des grandeurs, de la proportionnalité, des constructions géométriques, de solides éléments d'histoire chronologique, de géographie physique et de sciences".
Loin d'être comblé par les mesures actuelles, il estime que l'on "doit débuter en CP par l'apprentissage simultané de l'écriture-lecture et du calcul (mental et posé) des quatre opérations sur de petits nombres, et aboutir en fin de cursus primaire à la capacité d'écrire de courtes rédactions, ainsi que la solution concise et rigoureuse de problèmes de calcul formulés dans la langue courante, tirés de la vie pratique, des sciences de la nature ou de la mécanique, et nécessitant un raisonnement de nature discursive". Version Forestier ou Lafforgue, il y aura encore de la place pour d'autres "chantiers" dans l'éducation nationale.

Luc Cédelle
Article paru dans l'édition du 07.03.07
(transmis par Michel DELORD)

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